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Jacques Cœur : son commerce et ses bateaux

L'escalier d'honneur du château d'Azay-le-Rideau

Les décors du palais témoignent du goût des voyages de Jacques Cœur, aventurier et précurseur en commerce international.

Jacques Cœur, commerçant hors normes

Fils d’un pelletier , Jacques Cœur acquiert très tôt une compétence dans le domaine du commerce. Devenu marchand auprès du roi, il voit régulièrement arriver à Bourges des voyageurs étrangers proposant leurs marchandises. 

Rapidement, il souhaite élargir son univers et, tenté par l’aventure, descend jusqu’à la Méditerranée pour s’embarquer à destination du Levant en mai 1432. Jacques Cœur est alors un des premiers marchands de France centrale à prendre l’initiative d’un contact direct avec le commerce oriental. Ce périple est, pour ce petit bourgeois berrichon, un voyage d’étude et de prospection où il observe, s’informe et repère avant d’agir personnellement.

Suite à ce périple, Jacques Cœur est nommé, en 1439, argentier du roi. Le rôle de l’argentier d’alors n’est pas celui de ministre des finances comme on a quelquefois tendance à le croire. C’est celui d’approvisionner la Maison Royale en toutes choses : vêtements, vaisselle, bijoux et produits de luxe que la cour apprécie...

Or, entre la prospection en Orient et la conquête, Jacques Cœur doit s’organiser : pour maîtriser la mer, il est nécessaire d’avoir des ports, et d’y installer des navires avec équipages.

Plan Jacques Coeur et le commerce international

© Palais Jacques Cœur / Centre des monuments nationaux

LES PORTS ET LES BATEAUX DE JACQUES CŒUR

Il faut donc trouver des ports. Au début du XVe siècle, le littoral français méditerranéen est très restreint et ne couvre guère plus de 150 kilomètres. La France ne possède que trois pôles importants sur cette mer : Aigues-Mortes, Narbonne, Montpellier. Jacques Cœur s’implante dans les deux lieux d’échange commerciaux principaux : Aigues-Mortes et Montpellier dont le port s’appelle Lattes.

Mais des ports sans navires ne sont rien…  Jacques Cœur souhaite une flotte. Il veut, selon sa formule, « donner bruit au navigage de France ».

Les galées (ou galéasses) sont les navires qui voguent habituellement en Méditerranée au XVe siècle. Les documents sur les navires de l’argentier ne fournissent que des renseignements fragmentaires et le descriptif d’une galée de Jacques Cœur n’est pas aisé à faire, ni même faire l’inventaire de sa flotte. Les historiens se disputent quant au nombre de ses galées : Jacques Heers affirme que sa flotte se composait de « 4 navires, pas davantage » alors que Michel Mollat dit que le nombre de ses bateaux était « d’au moins 7 ».

Deux représentations de navires sont actuellement visibles au Palais Jacques Cœur : un vitrail et un haut-relief. Le vitrail montre une petite nef à coque ronde, à un seul mât doté d’une grande voile carrée gonflée par le vent. Il est daté de 1444 et serait l’un des plus anciens exemples de vitrail civil français qui nous soit parvenu entier. Le haut-relief donne une idée plus exacte des navires du maître de maison, à rames et à voiles. Le problème majeur de l’époque était alors de trouver les effectifs voulus pour équiper les navires. Le 22 janvier 1443, Jacques Cœur obtient du roi le droit « d’embarquer de force, moyennant juste salaire, les personnes oisives et vagabondes et autres caïmans se trouvant dans les ports ».

Jacques Cœur développe considérablement ses affaires en installant un peu partout des comptoirs et des facteurs . À la période faste de son commerce, on comptabilise plus de 300 facteurs sous ses ordres.

L'escalier vue depuis l'allée d'honneur
Une galée de Jacques Cœur

© Alain Lonchampt / Centre des monuments nationaux

JACQUES CŒUR ET SON COMMERCE

La grande industrie du Moyen Âge est alors le tissage. Rien d’étonnant, par conséquent, que parmi les produits exportés par notre marchand, les tissus aient tenu une place de choix. Outre draps et toiles, Jacques Cœur expédie des fourrures, des cuirs tannés mais aussi des produits de vannerie fabriqués dans la région de Montpellier. 

En parallèle, il ramène du Levant de multiples produits. À côté des vins d’Orient, des caisses de sucre de candi, du sucre en poudre de Chypre mais aussi des fruits confits, de la réglisse. Les épices tels que le poivre, la cannelle, le gingembre, les noix muscades, les clous de girofle, le safran tiennent une bonne place tout comme les parfums (l’eau de rose de Damas, l’essence de violette) ou les textiles (les velours unis ou à ramages) et surtout la soie (tissée quelquefois avec du fil d’or) ainsi que les objets de parures (perles, ivoire, diamants et autres pierres précieuses) ou les plumes d’autruches (qui sont sculptées dans le décor de la maison). Bref, toutes les merveilles qui font rêver les femmes de seigneurs sont du domaine de l’argentier !

Les relations de Jacques Cœur avec le Levant se découvrent dans le décor du palais : on remarque quelques sculptures de personnages très typés rappelant l’Orient (une des têtes de la façade ou un colporteur de l’escalier d’honneur), des singes ou des arbres exotiques (un palmier, un dattier, un oranger) et bien d’autres détails que l’on peut admirer durant la visite de la grant’ maison du maître des lieux...

Le grand escalier du château
Tête d'Africain

© Philippe Berthé / Centre des monuments nationaux

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